Peut-on remettre les clés avant la signature de l’acte de vente ?

Par Hugo

Les risques de la remise anticipee des cles

Vous venez tout juste de signer le compromis de vente et vous allez devenir l’heureux propriétaire du petit nid douillet qui a fait l’objet de tant de recherches. Outre les obligations liées à la signature de l’avant-contrat, le formalisme du transfert de propriété impose toutefois d’attendre quelques mois pour avoir la jouissance du bien.
Mais voila, vous aimeriez commencer vos travaux avant la signature de l’acte de vente ou entreposer vos cartons et pour cela, vous comptez solliciter du vendeur une remise de clés anticipée.
Bonne ou mauvaise idée ?


Quand s’effectue le transfert de propriété ?

L’Article 1583 du Code civil précise que la propriété est acquise à l’acheteur dès que les parties sont tombées d’accord sur « la chose et le prix ».

Rapportée à la vente immobilière, cette situation ne vaut qu’après réalisation des éventuelles conditions suspensives comme la clause d’obtention de prêt. Le transfert effectif de la propriété a lieu le jour de la signature de l’acte authentique.

En attendant de passer devant le notaire, le vendeur reste propriétaire du logement, même si ce dernier consent à remettre les clés à l’acheteur avant la signature de l’acte de vente. À ce titre, il reste seul responsable sur le plan juridique et fiscal.

C’est pourquoi la prise de possession du logement avant le transfert de propriété présente à bien des égards des risques importants autant pour l’acquéreur que pour le vendeur.

Risques d'une remise de cles anticipees

Quel danger pour les deux parties ?

Même si le fait d’occuper le logement avant l’heure ne semble pas à priori poser de problème, il faut être conscient du danger que représente une remise des clés anticipée en cas de non réalisation de la vente.

C’est une éventualité qui ne doit pas être écartée. En effet, l’acquéreur peut se heurter à un refus de prêt sans oublier les cas d’annulation pour vice caché ou de vice de consentement.

Pour le vendeur

Outre les problèmes de gestion courante et d’entretien du bien se posent de nombreuses questions ayant trait au règlement de certaines dépenses (électricité, chauffage, taxe d’habitation, charges de copropriété) mais aussi, lorsque le logement est situé dans une copropriété, à la relation avec les voisins.

En cas de sinistre

En cas d’incendie ou de dégât des eaux, la responsabilité du vendeur est totalement engagée. De plus, si le sinistre est provoqué par l’acquéreur, le contrat d’assurance habitation risque de ne pas jouer compte si ce dernier occupe le logement sans aucun titre.

Remise des cles

En cas de travaux

Si l’acheteur souhaite avoir les clés afin de faire des aménagements avant l’acte de vente, pensez aux problèmes que pourraient causer la réalisation de travaux non conformes ou qui bien qui ne seraient pas terminés.

N’oubliez pas que la Loi vous impose de livrer un bien conforme à son état d’origine, c’est-à-dire tel qu’il est décrit dans le compromis de vente. Vous restez donc responsable des modifications apportées même si elles sont du fait de l’acquéreur. Imaginez que les travaux se déroulent mal et que ce dernier rejette toute responsabilité et mette en cause la fragilité de l’édifice. Vous devrez engager des procédures longues et coûteuses qui n’auraient d’ailleurs que peu de chances d’aboutir.

Notre conseil : refusez tous travaux entraînant des modifications substantielles ou touchant à la sécurité (électricité par exemple). Limitez votre accord à des travaux de rafraîchissement.

Si des travaux d’importance sont envisagés avant la signature de l’acte authentique, obligez l’occupant à faire le choix d’entrepreneurs qualifiés justifiant de leur assurance professionnelle.

En cas de décès

Vous laissez à vos héritiers la lourde tâche de récupérer le bien. Ce sera d’autant plus difficile si vous n’avez établi aucun écrit (bail, clause de jouissance anticipée, prêt à usage) car dans ce cas, l’acheteur devient un occupant sans droit mais bien installé dans les lieux et difficile à déloger s’il décide de se maintenir dans le logement.

Pour l’acheteur

Absence d’assurance

Sans écrit, il vous sera impossible d’assurer le bien puisque vous n’aurez ni le statut de propriétaire ni le statut de locataire (sauf à signer un bail précaire). Si vous souhaitez avoir les clés avant le jour J pour déposer vos cartons, le risque en cas de vol ne concernera à priori que le matériel entreposé. Sachez toutefois que l’assurance du vendeur ne fonctionnera pas puisque ce sont uniquement ses biens qui sont assurés.

Avantages du logement neuf

Problèmes dans la réalisation des travaux

En revanche, les assurances souscrites par les entreprises qui réalisent des travaux (responsabilité civile professionnelle, garantie de parfait achèvement…) devraient fonctionner puisque vous êtes maître d’ouvrage, même si vous n’avez pas de statut particulier d’occupant. Toutefois, si des problèmes surviennent dans la réalisation des travaux, le vendeur pourra se retourner contre vous et exiger une remise à l’état d’origine.

La situation peut vite tourner au cauchemar car en plus des dépenses engagées dans la réalisation des travaux, vous risquez de devoir indemniser le vendeur sans compter les éventuels frais de procédure.

Sans aller jusque là, imaginez simplement que le notaire vous informe que le bien est grevé d’une hypothèque qui dépasse le prix de vente. Cette situation arrive parfois lorsque le logement a subi une dépréciation importante ou lorsqu’il y a une hypothèque judiciaire pour garantir des dettes. La mainlevée ne serait alors que partielle avec le risque que la vente ne puisse se réaliser (situation qui en principe doit être prévue par une condition suspensive). Le montant engagé dans les travaux serait alors définitivement perdu.

À savoir : le notaire tente en général une purge amiable qui doit permettre de lever l’hypothèque en totalité. Dans tous les cas il est prudent d’attendre que ce dernier ait terminé son travail avant d’entreprendre quoi que soit.

Quelles précautions doit-on prendre en cas de mise à disposition anticipée ?

Si malgré les risques encourus, l’acquéreur occupe le logement avant d’en devenir le propriétaire, il est nécessaire que les deux parties s’entourent d’un maximum de précautions et tout d’abord d’attendre que 2 conditions soient réalisées :

  1. Que l’offre de prêt ait été signée par l’acquéreur
  2. Que le notaire ait terminé de purger les hypothèques qui grèvent éventuellement le bien.

Il faut également limiter les travaux à de simples rafraîchissement (peintures, tapisserie, revêtement de sols…).

Precautions a prendre par l'acheteur

Enfin, l’accord de jouissance immédiate devra faire l’objet d’une convention écrite établi par le notaire pour éviter toute improvisation juridique et régler les questions d’ordre financière et notamment :

  • Le paiement des charges locatives si le logement se trouve dans une copropriété
  • L’indemnisation d’occupation jusqu’à l’acte de vente
  • Le paiement des fournitures consommées dans la période (eau, gaz, électricité…)

Il faudra en outre avertir l’assureur que le logement sera occupé par l’acquéreur et lui donner toute information susceptible de changer la nature du contrat.

Convention d’occupation anticipée

Convention d'occupation jusqu'a l'acte de venteIl est préférable de confier la rédaction de la convention d’occupation anticipée à un notaire. Si toutefois, vous souhaitez rédiger et signer le contrat sous seing privé, nous vous proposons un modèle à télécharger gratuitement que vous pourrez personnaliser en fonction de votre situation.

Sans reprendre in extenso les termes du compromis de vente, le document devra comporter tous les éléments descriptifs du logement ainsi que l’identité de chaque partie.

Chaque élément de l’accord devra y figurer : indemnité de compensation, paiement des charges de copropriété et des dépenses courantes. Il faudra également prévoir les limites d’action de l’occupant.

Il est en outre souhaitable d’annexer un état des lieux contradictoire et de prévoir le paiement d’un dépôt de garantie.


Sortir de la convention

Une des difficultés porte sur la sortie de la convention. Celle-ci a lieu normalement le jour de la signature de l’acte de vente mais nous vous conseillons de prévoir la possibilité d’une sortie anticipée avec restitution immédiate des clés en cas de la non-réalisation de la vente.

Il est aussi nécessaire de prévoir des pénalités financières au cas où les dates ne seraient pas respectées.

À savoir : issue de la pratique, la convention d’occupation anticipée souffre d’une absence cruelle de réglementation. Il faut donc se baser sur la jurisprudence. La signature du compromis de vente chez un notaire est fortement recommandée, de même qu’il est préférable de lui confier la rédaction de la convention .

Modèle gratuit à télécharger

Modèle de lettre de convention précaire

Le prêt à usage

Régi par l’Article 1875 et suivants du Code civil, le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel une personne met gratuitement à disposition d’une autre, un logement. Cette solution permet d’échapper à la réglementation qui régit les baux d’habitation. Comme dans le cadre d’une convention d’occupation anticipée, nous vous conseillons d’établir un contrat de prêt d’usage et de faire appel à un notaire.

Attention : le prêt doit entièrement gratuit sous peine de requalification en bail d’habitation. Les dépenses courantes peuvent toutefois être prises en charge par l’occupant. Il peut également entreprendre des travaux avec l’accord du vendeur.

Auteur : Hugo
L'auteur de cet article

Statisticien et économiste de formation, Hugo a une longue carrière en Finance lors de laquelle il a développé une expertise sur l'ensemble des problématiques de finances personnelles et en particulier sur le crédit bancaire.

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