L’autopromotion ou comment réussir son projet d’habitat groupé

Par Hugo

Definition autopromotion

Alternative originale et fiable à la promotion immobilière et à l’accession sociale à la propriété, l’habitat participatif (ou groupé) a ouvert une « troisième voie » en offrant une réponse citoyenne, économique et écologique aux problèmes du logement et à la spéculation.
Pratique largement rependue en Allemagne, en Norvège ou en Suisse, l’autopromotion immobilière couvre des projets divers comme des immeubles collectifs ou des éco-villages et mobilise de nombreux acteurs : associations, collectivités locales, ADIL, bailleurs sociaux, agences spécialisées.
Notre guide pratique pour vous aider à maîtriser le processus et réussir votre projet.



Définitions

L’autopromotion

Il s’agit d’un concept qui passe par la mise en commun des ressources et des moyens humains depuis la conception de l’ouvrage jusqu’à sa réalisation.

Un groupe de co acquéreurs gère collectivement les différentes opérations : montage juridique et financier, appels d’offres, maîtrise d’œuvre, gestion des parties communes avec parfois la mise en commun de prestations supplémentaires (jardin, chambres d’ami, bibliothèques, cuisines collectives, salle de fête, laverie, buanderie…).

L’habitat participatif ou « cohabitat »

solidarite entre cohabitantsQualifiée souvent de troisième voie, il offre un mode de conception et de réalisation qui repose sur des principes basés le partage et la solidarité entre les cohabitants, la mixité sociale et intergénérationnelle et le respect de l’environnement.

Parce qu’il resserre les liens sociaux, il est aujourd’hui considéré par bon nombre d’hommes politiques comme une réponse à l’isolement des familles et aux problèmes liés au vieillissement de la population.

Par ailleurs, l’architecture de l’habitat collectif permet généralement d’obtenir des prestations de grande qualité et des coûts inférieurs à ceux proposés par les promoteurs.

Choix de la structure juridique

La reconnaissance apportée par la Loi ALUR

L’habitat participatif trouve un écho plus favorable en France depuis la promulgation de la Loi ALUR en date du 24 mars 2014. Son dispositif modifie notamment le Code de la construction pour lui donner un cadre juridique efficace en créant deux statuts.

Financement d'une cooperative d'habitants

La coopérative d’habitants

Abandonnée en juillet 1971 par la Loi CHALANDON, elle fait un retour en force grâce à la Loi ALUR. Il s’agit d’une société à capital variable dans laquelle chaque associé dispose d’une fraction de parts conférant un droit de jouissance en contrepartie duquel il est tenu de verser une redevance. Elle permettra à la coopérative de régler les échéances de prêt.

Chaque habitant a donc un statut de locataire. Un contrat coopératif gère la relation entre les différents membres tandis que la gestion collective des parties locatives se décide en assemblée générale comme c’est le cas dans une copropriété.

Le financement est assuré directement par la société coopérative. C’est elle qui emprunte et rembourse l’emprunt. Sachez toutefois qu’il est possible que l’organisme prêteur exige une caution solidaire et personnelle de chaque associé.

La société d’attribution et d’autopromotion

Il s’agit d’une structure assez similaire à la précédente. Les associés peuvent toutefois décider de s’attribuer la propriété du logement. Dans ce cas, la société a une existence éphémère puisqu’elle sera dissoute une fois le projet terminé.

Le financement est cette fois-ci pris en charge individuellement par chaque associé. L’analyse de risque de l’organisme prêteur porte sur la solvabilité de chaque participant.

À savoir : quel que soit le choix du statut, un bailleur social peut devenir associé de la société dans une limite maximum de 30 % du capital.

La construction

Construire l'immeuble avec un bailleur social

Les bailleurs sociaux

La co-maîtrise d’ouvrage est une solution que beaucoup d’autopromoteurs ont expérimentée avec succès. Construire l’immeuble avec le concours d’un bailleur social permet de bénéficier de sa forte expérience de la promotion immobilière et facilite grandement les démarches dans la mesure où c’est ce dernier qui s’occupera du montage juridique et du financement.

Negociation avec les bailleurs sociaux

D’autre part, les bailleurs sociaux bénéficient de tarifs négociés sur l’achat de matériaux de construction que le groupe d’autopromoteur ne peut pas obtenir seul, permettant au groupe de réaliser d’importantes économies.

Enfin, l’organisme HLM est généralement intégré au capital (dans la limite de 30 %) et peut s’occuper de la gestion locative du bien.

Les agences spécialisées

Certaines structures sont spécialisées dans l’accompagnement de projets d’habitat participatif. Elles mettent à la disposition des autopromoteurs leur réseau d’entreprises et interviennent à toutes les étapes du projet : montage juridique, financement, assurance, recherche du terrain, études techniques, réalisation, contrôle et suivi.

Les associations

Associations Ecoravie et Eco-quartier

Véritables lieux de formation et d’échange, certaines associations comme  » ECORAVIE  » dans la Drôme ou « ECO-QUARTIER » à Strasbourg conseillent et accompagnent les candidats à l’habitat participatif.

Elles favorisent l’émergence de nouveaux projets en reliant les autopromoteurs aux différents acteurs pouvant intervenir dans la conception et la réalisation et permettent ainsi de lever bon nombre de difficultés. Le retour d’expérience des membres permet aux nouveaux de bâtir des projets en évitant certaines erreurs.

À l’instar des collectivités locales, les associations ont créé un réseau national : la « Coordin’action » qui permet de coordonner les actions menées par chacune d’elle.

Pensez également à contacter l’agence département d’Information sur le logement de votre département (ADIL) qui pourra vous conseiller utilement.

Financer une societe d'autopromotion

Les communes

Les collectivités locales sont de plus en plus parties prenantes dans les projets d’autopromotion et n’hésitent plus à encourager les initiatives. L’aide peut revêtir plusieurs formes : simple conseil technique, vente de terrains à bâtir, partenariat actif.

Pionnière dans le domaine, la Ville de Strasbourg a par exemple inscrit au PLH sa volonté de promouvoir les démarches citoyennes en partenariat avec l’association « ECO-QUARTIER ».

Notre conseil : quel que soit le degré d’intervention de la commune d’accueil, la rencontre avec les services de l’urbanisme de la ville est indispensable et fait partie des toutes premières démarches à accomplir.

Le réseau national des collectivités pour l’habitat participatif

Depuis 2010 et les premières rencontres nationales des « éco-quartier » de Strasbourg, une quarantaine de collectivités locales (villes, communautés urbaines ou de communes et conseils généraux) engagées dans le développement de cette « troisième voie » se réunissent régulièrement pour échanger sur le sujet.

Les assurances obligatoires

La garantie maîtrise d’ouvrage est obligatoire pour couvrir un projet d’autopromotion. La société d’attribution ou la coopérative d’habitants doit donc souscrire au préalable un contrat d’assurance dommage ouvrage au bénéfice de chaque associé.

Rappelons que ce type de contrat permet d’être couvert sur la malfaçon rendant impropre l’ouvrage à sa destination. En clair, pour tout sinistre entrant dans la garantie décennale du l’entreprise qui intervient dans la construction.


En cas de sinistre, l’assureur prend en charge les réparations et se retourne ensuite contre l’entreprise permettant à l’assuré de résider dans le logement dans l’attente du résultat de la procédure.

N’oubliez pas également que l’emprunt immobilier devra être également assuré. Si ce dernier est souscrit individuellement par les membres.

Les 7 étapes de l’habitat groupé

Duree pour realiser habitat groupe

Tout dépend bien sûr du type de projet d’habitat participatif et des choix opérés par le groupe. Toutefois, certaines phases sont communes à tous les projets. Sachez qu’entre la première et la dernière étape il s’écoule en général de 3 à 7 ans suivant l’importance du projet et les difficultés auxquelles vous vous heurterez.

Notre conseil : soyez rigoureux dans l’organisation. Planifiez des réunions régulières et partagez les tâches entre les membres du groupe dès le départ. Si possible, élisez une personne qui sera chargée de superviser l’ensemble.

Financement d'un projet immobilier participatif

Établissement du cahier des charges et étude de faisabilité

Dans un premier temps, il s’agit de tracer les grandes lignes du projet et d’en définir la forme : s’agit-il d’un immeuble collectif, d’un éco village ?

Cette première étape est aussi l’occasion de constituer le groupe de départ qui pourra être complété par la suite avec de nouveaux arrivants.

  • Définition des besoins du groupe en termes de logement.
  • Choix des espaces partagés éventuels (jardin ou terrasse, chambre d’ami, atelier, buanderie, salle de réunion ou de fête).
  • Détermination des éventuels secteurs géographiques d’implantation.
  • Avant-projet avec les premiers chiffrages réalisés par un bureau d’études.

Choix du statut juridique

La Loi ALUR a facilité le montage juridique des opérations d’autopromotion. La coopérative d’habitants est recommandée si vous souhaitez garder le statut de locataire avec les avantages que cela comporte. Encore une fois, tout est fonction des objectifs de chacun, des éventuels partenariats (ouverture à l’actionnariat) et du mode de financement.

Étude de financement

Cette étape est étroitement liée au montage juridique au coût du projet et à l’apport personnel de chacun des membres.

Si vous créez une coopérative d’habitants ou société d’autopromotion, il est préférable que ce soit la structure qui emprunte en tant que personne morale. Chaque associé est alors solidaire du remboursement de l’emprunt.

Choix du statut juridique

Important : un partenariat avec un bailleur social apporte souvent les garanties nécessaires afin de gagner la confiance des organismes prêteurs, d’autant plus que dans bien des cas, notamment lorsqu’il s’engage dans un actionnariat, il se charge lui-même de trouver le financement.

Recherche du terrain

Ce travail nécessite une bonne organisation et la mobilisation de chaque membre du groupe. La recherche du terrain est en effet une étape essentielle dans la réalisation du projet.

Certaines agences immobilières spécialisées en prospection foncière peuvent vous faire gagner un temps précieux. Si vous faîtes appel à un bailleur social pour assurer construction de l’immeuble, sachez que ce dernier peut se charger de la recherche du terrain.

Étude technique et financière

Votre projet va prendre véritablement forme à compter de cette étape. Vous devez faire appel à un bureau technique afin d’effectuer les études de sols, valider les choix effectués en amont et chiffrer définitivement le projet. Ce dernier veillera au respect de la réglementation en vigueur et déterminera les délais nécessaires à la réalisation.

Cette phase permet également à l’architecte de dresser les plans de l’ouvrage et de déposer le permis de construire.

Réalisation et maîtrise d’œuvre

Avant de démarrer les travaux, vous devrez souscrire un contrat d’assurance dommage-ouvrage et veiller à ce que le promoteur ou les différentes entreprises qui interviennent aient souscrit une assurance décennale et une garantie de bonne fin.


Si vous effectuez vous-même la maîtrise d’œuvre, attendez-vous à un travail important. Vous allez en effet devoir lancer les appels d’offres, passer les contrats de marchés de travaux et assurer un suivi régulier du chantier.

Notre conseil : compte tenu des contraintes techniques et des obligations légales qui sont faites aux travaux publics, il est préférable de déléguer ce travail à un cabinet de maîtrise d’œuvre, ce qui toutefois impactera le coût de l’opération.

Gestion

La question de la gestion administrative de l’immeuble est un aspect du projet que vous devez aborder dès le départ. Faut-il déléguer la tâche à un syndic professionnel ou l’assumer vous-même ?

Dans le cadre d’une coopérative d’habitants et dans la mesure où le principe de l’habitat participatif repose aussi sur des valeurs humaines, la gestion par les membres eux-mêmes est un choix des plus logiques, celle-ci s’exerçant démocratiquement par tous ou sur la base d’une gouvernance.

Promotion immobilière vs habitat groupé

Une économie importante sur le prix de revient

Ce n’est pas toujours l’élément déterminant, mais la baisse des coûts de réalisation en autopromotion est appréciable d’autant plus que l’ensemble du groupe participe activement à la réalisation d’une partie des travaux et assure lui-même la maîtrise d’ouvrage.

Au final, aucune marge n’est à reverser comme c’est le cas dans la promotion immobilière classique et moins d’intermédiaires à rémunérer.

En revanche, les économies d’échelle réalisées par le promoteur classique ne pourront pas être reproduites en autopromotion sauf à bénéficier de l’expertise d’un partenaire de même envergure.

Un habitat solidaire répondant aux besoins de chacun

L’habitat participatif se forme d’abord sur des principes de solidarité et de respect de l’environnement. Ce sont les éléments fédérateurs de tout projet d’autopromotion où les habitants conçoivent des logements sur mesure, peu énergivores faisant profiter chacun de services mutualisés.

C’est ainsi que bon nombre de projets prévoient des espaces partagés, cette mutualisation de services facilitant les rapports sociaux entre les habitants.

Par ailleurs, la qualité des prestations est généralement au rendez-vous et souvent nettement supérieure à celles proposées par les promoteurs traditionnels. Le choix de matériaux écologiques, notamment de recyclage et l’utilisation de techniques novatrices permet d’atteindre des objectifs élevés en termes d’économies d’énergie et de confort de vie.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que toutes les projets d’autopromotion n’aboutissent pas. Refus de financement, manque de persévérance, désaccords entre les membres du groupe, les raisons d’un échec ne manquent pas.

En conclusion : à l’étranger les exemples de projets réussis ne manquent pas comme en Norvège, en Allemagne ou en Suisse, pays précurseurs dans le domaine. En France, bien qu’encore à un stade embryonnaire, l’autopromotion se développe rapidement et les récentes mesures de la Loi ALUR devraient encourager les initiatives. L’habitat participatif a de beaux jours devant lui.

Références juridiques

Auteur : Hugo
L'auteur de cet article

Statisticien et économiste de formation, Hugo a une longue carrière en Finance lors de laquelle il a développé une expertise sur l'ensemble des problématiques de finances personnelles et en particulier sur le crédit bancaire.