Insérée dans l’acte de vente immobilier, la clause de tontine permet aux couples ayant signé un pacs ou vivant en concubinage de devenir propriétaires de leur résidence principale tout en évitant l’indivision.
Nos experts vous explique le fonctionnement de la tontine, une disposition juridique qui a pour principal avantage de préserver le conjoint survivant et d’éviter les droits de mutation à titre onéreux, mais qui présente aussi quelques inconvénients et qui ne s’adapte pas à toutes les situations ni à tous les achats immobiliers.
Comment çà marche ?
La tontine reste un dispositif très particulier et peu utilisé. Il consiste à faire rédiger une clause juridique par le notaire qui sera insérée dans l’acte de vente.
Alors que dans l’indivision chaque membre possède une partie du logement à hauteur de sa quote-part, le pacte tontinier, appelé également clause d’accroissement, bouscule totalement la notion de co acquéreur puisqu’ici seul le conjoint survivant est réputé rétroactivement avoir été l’unique propriétaire de la totalité du bien.
À savoir : la clause de tontine ne peut s’appliquer que sur l’achat d’un bien en pleine propriété.
Durant la vie du couple
Gestion du bien
Parce que les tontiniers ne détiennent pas de droit de propriété, mais seulement un droit de jouissance, toute décision sur le logement requiert l’unanimité. On imagine aisément que l’insertion d’une clause de tontine peut vite conduire à une situation de blocage en cas de désaccord.
Renonciation
Les tontiniers peuvent décider d’un commun accord de se retirer du pacte. Le bien immobilier entre alors dans le cadre de l’indivision, chacun devenant propriétaire du bien à hauteur de ses apports.
Cession à un tiers
Sauf stipulation contraire, il est possible de céder la clause de tontine à une tierce personne. Dans la pratique, la vente est difficilement réalisable, car très peu avantageuse pour le tiers acquéreur, ce dernier ne devenant propriétaire qu’en cas de décès de l’autre tontinier.
Le risque est d’autant plus grand qu’en cas de décès du vendeur, le bien reviendrait directement au tontinier d’origine. Le tiers acquéreur perdrait alors ses droits et ne deviendrait jamais propriétaire du bien.
À savoir : il est possible d’aménager la clause de tontine en interdisant sa cession.
Protection vis-à-vis des créanciers
Parce qu’elle empêche le partage des biens, la tontine constitue une protection efficace contre les créanciers.
Ces derniers ne peuvent pas exiger la saisie immobilière d’un logement grevé d’une telle clause, puisque le débiteur n’en est pas propriétaire. C’est ce qu’a d’ailleurs confirmé une décision de la Cour de cassation en date du 18 novembre 1997.
Séparation des partenaires
Le pacte tontinier a un caractère irrévocable. Il ne peut pas être remis en cause, même en cas de séparation. Seule la décision commune des signataires peut y mettre un terme.
Fiscalité cas de décès
Du fait de son caractère onéreux, confirmé par plusieurs jurisprudences, la clause de tontine échappe au droit des libéralités (donations entre vifs), celui-ci ne pouvant s’exercer qu’à titre gratuit.
Aucun droit sur la réserve héréditaire
Les héritiers réservataires du tontinier décédé doivent mettre une croix sur l’héritage, sauf à prouver que le pacte a été signé dans le seul but de les priver de leurs droits. En effet, le bien étant censé avoir appartenu au conjoint survivant depuis le 1er jour, celui-ci n’entre pas dans le patrimoine du défunt et de ce fait est exclu de l’assiette successorale.
Droits de succession
Suivant son statut (concubin ou pacsés), le conjoint survivant peut être amené à régler des droits de succession :
- Les concubins n’ont aucun droit à payer à la double condition que le logement constitue la résidence principale et que sa valeur soit inférieure à 76 000 €. Autant dire compte tenu du faible seuil d’exonération, qu’il est quasiment impossible aux concubins d’échapper aux droits de mutation avec la clause de tontine. Dans la grande majorité des cas, le conjoint survivant payera donc le prix fort, c’est-à-dire 60 % de la valeur du bien, après un abattement de seulement 1 570 €.
- Les couples pacsés qui ont acheté ensemble un bien immobilier bénéficient du même régime que les couples mariés et sont donc exonérés des droits de succession.
Requalification en donation déguisée
Les héritiers peuvent remettre en cause la validité du pacte et intenter une action en réduction de la réserve, s’ils constatent un déséquilibre sur l’un des 2 points suivants :
- Aléa : il ne doit pas y avoir un écart d’âge trop important entre les partenaires. D’autre part, si l’un d’entre eux est atteint d’une maladie grave et qu’il est prouvé que les tontiniers étaient au courant du mauvais état de santé au moment de l’achat, le pacte peut être frappé de nullité et requalifié en donation déguisée.
- Financement : contrairement à l’indivision où chaque acquéreur participe en fonction de ses moyens et détient un nombre de parts proportionnel à ses apports, la participation financière de chaque tontinier doit être équilibrée.
Insertion de la clause de tontine dans une SCI
Il est possible d’éviter les droits de succession en achetant le logement par l’intermédiaire d’une société civile immobilière et en insérant la clause de tontine dans les statuts de la SCI, Le conjoint survivant deviendra l’unique propriétaire de la totalité des parts sociales et paiera seulement les droits d’enregistrement, soit 5,09 % puisqu’on entre là aussi dans le cadre des mutations à titre onéreux.
Notre avis : il est difficile de créer une SCI entre concubins pour acheter sa résidence principale et d’y insérer une clause d’accroissement sans courir le risque de requalification. En effet, le fisc peut considérer que le montage a été fait dans le seul objectif d’échapper aux droits de succession. Pour limiter au maximum ce risque, certains juristes recommandent de limiter la clause tontinière à une partie des parts sociales de la société.
Pour les couples mariés
Régime de la communauté
Sauf cas particulier du remploi de fonds propre qui modifie les règles de la co acquisition, le pacte tontinier ne s’applique pas aux époux mariés sous le régime de la communauté. Pour ces derniers, l’achat d’un bien immobilier entre automatiquement dans le patrimoine commun.
De toute manière, ce régime matrimonial est par lui-même protecteur pour le conjoint survivant et peut par ailleurs être renforcé par l’insertion d’une clause de préciput. Celle-ci peut faciliter par exemple la transmission d’un bien immobilier autre que la résidence principale.
Le seul cas où la clause de tontine peut avoir une utilité, c’est lorsqu’un des époux achète un bien immobilier en co acquisition avec un concubin à l’aide de ses fonds propres.
Important : un pacte tontinier conclu avant le mariage continue à produire ses effets.
Régime de la séparation de biens
Il en va autrement pour les couples mariés sous le régime de la séparation de biens, puisque le pacte tontinier a le même effet que la clause de préciput pour les époux mariés sous un régime communautaire. En cas de décès, le conjoint survivant est considéré rétroactivement comme avoir été le seul propriétaire du logement.
Financement
Résoudre le problème de la garantie
Acheter en tontine n’empêche pas d’obtenir le financement du bien, mais l’insertion de la clause dans l’acte de vente pose clairement un problème de garantie.
Hypothèque
Il est impossible d’hypothéquer le bien puisque celui-ci est censé n’appartenir à aucun des acquéreurs.
Caution mutuelle
Les sociétés de caution mutuelle refusent de garantir les biens immobiliers grevés d’une tontine, car en cas de défaillance des emprunteurs, leur marge de manœuvre s’avère trop restreinte, le bien en question étant exclu du patrimoine de l’emprunteur.
La société CREDIT-LOGEMENT par exemple exige clairement dans ses conditions générales la levée préalable de la clause tontinière avant accorder sa garantie.
La solution : vous devez proposer une garantie alternative à l’organisme prêteur. Ce peut être le nantissement d’un contrat de placement ou une inscription hypothécaire sur un autre bien immobilier.
Veiller à l’équilibre des apports
Alors que dans l’indivision, chaque partenaire participe en fonction de ses moyens, le financement d’un achat immobilier intégrant une clause de tontine nécessite que les acquéreurs disposent du même apport et prennent en charge ensemble les remboursements.