Comment calculer le rachat de soulte après un divorce ?

Par Hugo

Financer la soulte du conjoint

La question du logement familial est un des aspects les plus complexes du partage de la communauté en cas de divorce, notamment lorsqu’un des conjoints souhaite conserver seul le bien. Pour posséder la pleine propriété, l’ex-époux qui souhaite garder le logement commun doit procéder au rachat de la soulte, autrement dit, verser une compensation financière à l’autre pour racheter sa part.
Encore faut-il s’accorder sur l’estimation précise de la valeur du bien, pouvoir régler avec la banque le problème épineux de la désolidarisation du prêt immobilier en cours, savoir comment financer le montant de la soulte et assurer le paiement d’un certain nombre de frais.
Voici tout ce que vous devez savoir pour racheter la soulte de votre conjoint dans les meilleures conditions.


Sommaire

Qu’est que le rachat de soulte ?
Comment s’effectue le calcul ?
Comment estimer le prix du logement ?
Quels sont les frais qui s’ajoutent au montant de la soulte ?
2 exemples de rachat de soulte
Quels sont les délais pour le versement ?
Comment obtenir le financement ?

Définition

La soulte correspond à la somme versée à l’ex-conjoint en compensation de la part du logement qui lui revient de droit lors du partage. Elle est payée par celui qui veut rester seul propriétaire. Ce terme juridique est défini par l’Article 826 du Code civil.

Le calcul du rachat de soulte porte sur la moitié de la valeur nette du bien estimée au moment du divorce.

À noter que le partage amiable doit rendre  » l’échange  » équilibré, c’est-à-dire que le versement doit correspondre à un montant rétablissant l’égalité entre les copartageants.

Il importe donc que l’attribution soit calculée au plus juste. Elle ne doit pas être disproportionnée, car tout dédommagement inférieur ou supérieur à la valeur de la part des ex-conjoints entraîne un risque de requalification fiscale.

Important : l’opération ne peut s’effectuer qu’une fois le divorce prononcé et donne lieu à un changement de propriété qui nécessite la rédaction d’un acte notarié.

Calcul du rachat de soulte

Le calcul du rachat de soulte

Il dépend de deux variables :

  1. Le prix de revente du logement
  2. Le capital restant dû en cas de prêt immobilier en cours.

Sans base légale, le calcul du rachat de soulte résulte dans la pratique d’un consentement mutuel entre époux. Dans un premier temps, ces derniers s’accordent sur le fait que l’un des conjoints acquière la pleine propriété du logement en contrepartie d’une indemnité financière basée sur la valeur de revente estimée.

Une fois que les époux se sont mis d’accord sur le prix (voir le chapitre sur l’estimation du logement), le calcul doit tenir compte des éventuels prêts restants à courir sur le bien. Le capital restant dû (1) sur le(s) prêt(s) immobilier(s) en cours est alors déduit du prix de revente pour donner la valeur nette de la soulte.

Le montant du rachat de soulte correspond à 50 % de la valeur nette du bien. Le versement est effectué lors de la signature de l’acte chez le notaire.

À savoir : Il est possible de diminuer le montant à verser lors du partage en attribuant d’autres biens au conjoint vendeur (voiture, mobilier…).

La formule du calcul de la soulte s’établit comme suit : [Valeur de revente du logement – capital restant dû sur le prêt en cours] /2 (2)

(1) : figure dans le tableau d’amortissement fourni par la banque
(2): ou au prorata en fonction de la quote-part de chacun en cas d’indivision ou du nombre d’héritiers en cas de succession.

Cette somme s’ajoute au montant du prêt immobilier en cours que l’ex-époux qui conserve le logement devra continuer à rembourser.

À savoir : le cas d’une succession, le calcul s’établit en fonction du nombre d’héritiers et de la part d’héritage revenant à chacun.

Evaluation du prix de revente du logement

L’estimation du logement

Lorsque la séparation n’a pas effrité la confiance entre les époux, l’estimation immobilière du logement ne pose pas de problème particulier puisqu’il suffit de se baser sur la valeur du marché immobilier pour s’accorder sur le prix de vente. Dans le cas contraire, il faudra faire appel à un professionnel (agence immobilière ou cabinet de notaire).

En cas de désaccord total, seul le recours au juge des affaires familiales peut régler le problème, ce qui aura pour conséquence d’allonger les délais.

Notre conseil : le logement doit faire l’objet d’une expertise objective. Restez cohérent par rapport aux prix du marché immobilier et gardez-vous de sous-estimer la valeur du bien afin d’éviter tout risque de requalification fiscale.

L’estimation par un agent immobilier

Sachez qu’un agent immobilier ne peut fournir qu’une simple estimation de valeur. Même s’il connait parfaitement le marché immobilier local, son avis n’aura qu’une valeur indicative.

Il est d’ailleurs préférable de s’adresser au moins à deux agences pour recueillir plusieurs appréciations. Dans cette éventualité et pour aplanir tous les doutes, chacun peut faire appel à l’agence de son choix.

Même s’il n’y a pas lieu de douter de leur intégrité, il faut avouer que certaines agences peuvent manquer d’objectivité, espérant avoir le bien à la vente. Dans tous les cas, privilégiez une estimation de valeur par écrit que vous fournirez au notaire.

Attention : le terme expertise employé par un agent immobilier n’a pas du tout la même valeur que celle menée par un expert immobilier ou un cabinet de notaire.




L’expertise par un notaire

Certains notaires ou clercs (1) ayant suivi une formation spécifique pratiquent couramment l’expertise immobilière. Il faut dire que l’importante base de données détenue par les notaires (11 millions d’actes recensés) favorise grandement l’évaluation.

(1) : à ce jour, environ 200 cabinets en France ont suivi la formation et bénéficient du label Notexpert.

N’oubliez pas qu’en tant qu’officier ministériel, le notaire engage sa responsabilité. Il interviendra de manière objective dans l’intérêt des 2 ex-époux.

Enfin, sachez que la méthode par comparaison utilisée par les notaires est celle que retient le juge des affaires familiales lorsqu’il ordonne une expertise.

L’expertise par un cabinet indépendant

Vous pouvez également faire appel à un expert immobilier indépendant. Comme pour l’estimation notariale, cette solution présente l’avantage de fournir une évaluation objective et réaliste.

Il arrive que les époux ne s’entendent pas sur le choix du cabinet d’expertise. Chacun peut alors nommer son expert, la valeur retenue étant alors la moyenne des estimations rendues par les deux cabinets. Cette solution présente évidemment l’inconvénient de doubler le coût de l’expertise.

L’intervention du juge des affaires familiales

Si aucun accord amiable n’intervient sur le prix ou sur la méthode à utiliser pour établir l’évaluation, ce qui est souvent le cas lors d’une séparation conflictuelle, il ne vous reste plus qu’à saisir le juge des affaires familiales. Ce dernier pourra alors ordonner en toute indépendance une expertise immobilière de la résidence familiale.

Cette procédure aura pour conséquence de reporter le jugement du divorce et par là même l’opération de rachat de soulte. De plus, les frais d’expertise seront à la charge des ex époux pour moitié.

Financer les frais de notaire

Les frais qui s’ajoutent à la soulte

Les frais de notaire

Chargé d’établir l’état liquidatif et de rédiger l’acte authentique qui entérinera le transfert de propriété, le notaire est obligatoire dans une opération de rachat de soulte.

Les frais de notaire sont de l’ordre de 7,5 % (1), taux calculé sur le montant de la compensation nette versée et non sur la valeur de revente du bien immobilier. Les frais de mutation sont en principe à la charge de la personne qui récupère le logement, mais ils peuvent être partagés entre les ex époux.

À savoir : il est possible d’intégrer les frais de notaire dans le prêt immobilier.

(1) Il est difficile d’estimer plus précisément le pourcentage, car il dépend de la taxe départementale qui varie suivant les départements.

Les frais de partage

Pour les couples mariés ou pacsés, le taux est de 1,80 % depuis le 1er janvier 2021(1), calculés sur la valeur nette du bien. Ils sont partageables entre les ex époux ou les héritiers en cas de succession. Pour les concubins, les frais de partage sont de 5,8 %.

(1) : le pourcentage sera ramené à 1,10 % à compter du 1er janvier 2022.


Les frais liés au nouvel emprunt

Lorsque celui qui conserve le logement commun souscrit un nouveau prêt immobilier, il doit faire face à un certain nombre de frais annexes :

  • Frais de dossier : de l’ordre de 0,5 % sur le capital emprunté
  • Les frais de garantie qui dépendent du type de couverture décidé par la banque : caution mutuelle, hypothèque ou IPP. À titre d’exemple, pour un prêt de 100 000 €, il faut compter : 1800 € pour une hypothèque, 800 € pour un IPPD et 1500 € pour une caution mutuelle type crédit-logement (dont la moitié restituable en fin de prêt).
  • Assurance emprunteur : le coût dépend de l’âge et de l’état de santé.

2 exemples de rachat de soulte

Avec un prêt immobilier en cours

Prenons l’exemple d’un couple marié sous le régime de la communauté légale et propriétaire de leur maison, dont le divorce a été prononcé. Il a été décidé d’un commun accord que Madame conserve le logement familial et rachète la part que Monsieur détient sur la maison.

Le capital restant dû sur le prêt immobilier ayant servi à financer le bien se monte à 140 000 €.

Le calcul s’effectue en 3 étapes :

  1. Estimation du prix de la revente de la maison : 250 000 €
  2. Calcul de la valeur nette : 250 000 € – 140 000 € = 110 000 €
  3. Calcul du rachat de soulte : 110 000 € / 2 = 55 000 €

Pour devenir seul propriétaire de la maison, Madame versera à Monsieur à titre compensatoire 55 000 €.

Important : En plus du versement pour racheter la soulte, Madame devra continuer à payer les mensualités sur le prêt immobilier en cours.

Exemple de rachat de soulte

Sans prêt immobilier à solder

Deux partenaires pacsés se séparent. Ils avaient acquis en commun un appartement en indivision pour lequel le prêt immobilier est entièrement remboursé. Monsieur souhaite conserver l’actuelle habitation. Le prix de revente a été estimé par une agence immobilière à 210 000 €.

Détaillons le calcul du rachat de soulte qui s’établit comme suit : Valeur nette du bien (égale cette fois-ci au prix de revente) / 2 = 105 000 € (1). C’est la somme que devra payer Monsieur pour compenser la part de Madame et occuper le logement seul.

(1) Les quotes-parts de l’indivision sont 50/50.

Quels délais pour le versement de la soulte ?

Le calendrier de versement pour racheter la soulte du conjoint dépend de nombreux facteurs :

  • Les délais de procédure de divorce
  • La bonne entente entre les ex-conjoints
  • Les disponibilités du notaire
  • Les délais éventuels pour obtenir le financement de la soulte.
  • Les délais éventuels pour obtenir l’accord de désolidarisation de l’ancien prêt.
  • Une fois que le divorce a été prononcé, les ex-époux doivent prendre rendez-vous chez le notaire pour établir l’état liquidatif qui permettra au conjoint acquéreur d’entamer les démarches pour obtenir le crédit.

Un nouveau rendez-vous est nécessaire pour la rédaction de l’acte de vente qui entérinera le changement de propriété et donnera lieu au versement de la soulte.

Financement

L’obtention d’un prêt immobilier pour racheter la soulte du conjoint repose sur deux aspects :

  1. La capacité d’emprunt, qui dépend de l’apport personnel et des revenus de l’ex-époux acquéreur
  2. La décision de la banque de désolidariser l’autre du prêt en cours.

Financement du rachat de soulte

La demande de prêt immobilier

Il faut comprendre qu’au moment d’acheter le logement, l’analyse de risque reposait les revenus des deux membres du couple. Or, la charge va désormais porter sur un seul d’entre eux, ce dernier devant devra assumer un double remboursement :

  • Le prêt immobilier en cours
  • Le nouvel emprunt souscrit pour payer le montant de la soulte.

Une situation d’autant plus difficile lorsque l’acquéreur doit régler en plus une pension alimentaire à l’ex-conjoint.

La demande s’effectue comme pour n’importe prêt immobilier classique et l’analyse de risque repose principalement sur le taux d’endettement et le reste à vivre de l’époux acquéreur. D’autres éléments comme la bonne tenue des comptes bancaires ou la stabilité professionnelle entre également dans l’analyse de risque.

Important : le notaire inclut une clause suspensive de financement permettant d’annuler l’opération de rachat de soulte en cas de refus de prêt.

À noter qu’il est possible de demander un financement pour payer la soulte plus les frais de notaire.

La demande de désolidarisation sur les crédits en cours

Dans la plupart des cas, les ex-époux sont co emprunteurs du prêt immobilier et donc cautions solidaires l’un de l’autre à hauteur de 100 % du capital restant dû. Cet engagement figure dans l’acte de prêt et doit être levé pour le conjoint vendeur. Or, rien n’assure que la banque consentira à désengager l’époux non attributaire. Celle-ci peut parfaitement refuser la demande de désolidarisation si elle estime que la solvabilité du conjoint acquéreur n’est pas suffisante pour continuer seul à prendre en charge les mensualités du crédit en cours.

Une solution consiste alors à s’adresser à une banque concurrente afin de racheter le prêt.

En cas de refus définitif, les deux époux restent solidaires entre eux, conformément aux engagements pris dans le contrat de prêt, ceux-ci se poursuivant même après la prononciation du divorce. Il faudra peut être se contraindre à la vente.

Auteur : Hugo
L'auteur de cet article

Statisticien et économiste de formation, Hugo a une longue carrière en Finance lors de laquelle il a développé une expertise sur l'ensemble des problématiques de finances personnelles et en particulier sur le crédit bancaire.

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